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La Prééminence du droit est-elle irréversible?

A l'occasion du colloque sur les Forces et Fragilités de l'état de droit organisé par la Cour d'appel d'Aix en Provence et l'historien Alain Chouraqui au Mémorial du camp des Milles



A l’occasion de ce colloque passionnant, la question a été posée de l’irréversibilité de la prééminence du droit.
Les violences envers des politiques légitimement élus, le refus du compromis de la part de certains courants de pensée politique à l’extrême gauche comme à l’extrême droite, la propagation d’idées simplistes comme le retour à la nature, « la France aux Français » ou encore le « décolonialisme », la montée de l’antisémitisme et de toutes les formes de racisme possibles et imaginables etc., aucun de ces phénomènes ne doit laisser indifférent.
Parallèlement, on voit apparaître en Europe et ailleurs des démocraties « illibérales » dont, dans sa brillante intervention lors de ce colloque, Robert Badinter a décrit les mécanismes.
Enfin, les régimes autoritaires se font menaçant comme la Turquie, quand son Président prétend interférer avec la liberté de la presse dans notre pays, et la Russie quand le Kremlin masse des troupes surarmées à la frontière ukrainienne.
Pour se préparer à réagir au cas où cette situation dégénèrerait, le rôle de la Justice est primordial : les juges sont gardiens des libertés individuelles et pour qu’elles subsistent, ils sont gardiens d’un ordre social appelant le respect de l’autre et de sa liberté. On oublie trop souvent que la liberté a ses limites qui sont celles du « vivre ensemble ». Comme l’énonce l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
Si la démocratie, qui est faible par définition par opposition aux régimes dits forts, c’est que les juges n’en auront pu être les remparts. Rappelons-nous du procès inique contre l’historien Georges Bensoussan accusé de provocation à la haine raciale pour avoir lors d’un débat sur France-Culture souligné l’existence d’un nouvel antisémitisme en lien avec une certaine lecture de l’islam ; vérité documentée dans l’ouvrage collectif qu’il a fait paraître en 2002 aux Editions Mille et une nuits. J’ai témoigné devant la Cour d’appel au soutien de Georges Bensoussan. Il a été relaxé. Mais combien il a souffert de cette mise au pilori ! Les stratégies judiciaires et médiatiques peuvent être aussi léthales que des violences physiques.
Que faire ? Il suffit de se référer à l’allocution de Stephen Breyer, juge à la Cour suprême des Etats-Unis, qui vient d’annoncer avec élégance sa démission de la Cour. Il laissera la place à la première femme noire accédant à cette éminente fonction. Dans son allocution de départ, il a souligné les trois conditions d’une justice démocratique : 

• Des juges qui défendent une République de citoyens et non pas un République d’individus où chacun croit avoir raison contre tous les autres ;

  • Des juges non partisans ne cédant pas à l’idéologie, mais recherchant des compromis autour desquelles une nation peut s’unir et non se diviser ; 

• Des juges qui restent conscients du caractère « expérimental » de la démocratie, laquelle elle fragilisée par des réseaux sociaux souvent détournés pour servir de vecteurs de mensonges et de violences.